Edito - Faire le point

Si dans le domaine de la photographie ou du cinéma, « faire le point » consiste à régler la netteté avant de saisir des images, cette expression puise en réalité son origine dans le secteur maritime. Dans le langage de la navigation, cette expression consiste à identifier différents repères à l’aide d’un compas, de façon à définir la situation précise d’un navire en pleine mer.

Identifier des points de repères pour se situer plus précisément et travailler à une meilleure netteté des images qui s’offrent à nous, voici deux démarches qui se joignent parfaitement dans une même nécessité contemporaine : éviter les dérives et tenter de sortir d’un flou généralisé.

Et c’est tout naturellement que cette urgence des temps présents vient résonner de plus en plus fortement dans les écritures contemporaines et sur les scènes de théâtre. Mais face à ces questions, le théâtre se met lui aussi à tanguer. Chaque artiste cherche la voie à emprunter. Sa voie. Parce que le théâtre veut et doit rester cet art entre deux eaux, tant politique que poétique, qui poursuit éternellement une double quête. Tendre un miroir social à ses contemporains, certes, mais réussir tout de même à prendre des chemins de traverse vers des mondes singuliers où de nouveaux langages s’inventent.

Vue du ciel, la saison, que nous vous invitons à parcourir, reflète la grande diversité de cette flotte théâtrale, qui s’éparpille joyeusement sur la vaste cartographie des esthétiques, des sens et du sens.

Et si certains spectacles viendront poser clairement des balises et des repères pour la pensée, d’autres viseront au contraire à nous dérouter, pour entretenir le plaisir de se perdre dans l’ailleurs.

Libre à vous, désormais, de vous laisser embarquer par telle ou telle proposition, vers telle ou telle destination.

Libre aussi aux équipes artistiques d’exprimer ce qu’elles souhaitent dire du monde, sous la forme qu’elles souhaitent, car cette liberté de création doit rester notre boussole.

Préserver cette liberté de chacune et de chacun, est fondamental à nos yeux.
Et même si la Région a décidé de retirer son financement à ce théâtre – ce qui revient à dire qu’elle a retiré son aide aux artistes qui s’y produisent et à vous qui le fréquentez – nous ne dévierons pas de cap.
La liberté de parole n’a pas de prix et elle ne s’achète pas.

Sur ce sujet, au moins, il était visiblement nécessaire de faire le point.
C’est désormais chose faite. Et nous serons heureux de continuer à partager avec vous, le plus longtemps possible, cet espace de liberté qu’est le théâtre, en toute fraternité, en toute sororité, et dans un esprit le plus ouvert et le plus égalitaire possible.

Joris Mathieu
Directeur du Théâtre Nouvelle Génération – CDN de Lyon